samedi 7 août 2010

UN AN PLUS TARD…

Voilà qu’il s’est déjà écoulé une année depuis notre départ du Lac Champlain, le 9 août 2009. Facilement, je nous revois, bien émotifs et heureux, l’impression de nous jeter dans le vide malgré tout le soin apporté à nos préparatifs. Cette année a passé bien vite, mais d’un autre côté, les écluses, la foudre à New York, la Baie de Chesapeake, les USA, les Bahamas me semblent plutôt loin.
À quelques reprises, on nous a posé ces questions : “Et puis, comment trouvez-vous votre voyage? Est-ce que c’est comme vous l’aviez imaginé?”

Bilan de l’Amirale
Après 6 mois, j’étais incapable de répondre à ces questions. Par contre, un an plus tard, je suis en mesure de mettre des mots sur ce que je vis et comment je me sens.

Si je devais résumer en une phrase, je dirais : “C’est beaucoup plus difficile que je le pensais, mais c’est également beaucoup plus extraordinaire que je ne le l’avais imaginé!” 

Qu’est-ce qui est plus extraordinaire et qu’est-ce qui est plus difficile? TOUT!

En réalité, la proximité fait en sorte que nous vivons notre quotidien très intensément; tout est quintuplé! Les beaux moments sont très très beaux et les journées difficiles, sont très difficiles. Heureusement, il y a beaucoup de belles longues vagues douces; parfois, nous vivons des creux… C’est difficile de trouver un milieu. La joie et la bonne humeur se propage, mais la mauvaise humeur est également contagieuse. Il suffit qu’un seul membre de l’équipage soit plus maussade pour que les 4 s’en ressentent et le contraire est également vrai.
Claire et Guy du voilier Balthazar (revenant d’un Tour du monde de 5 ans en famille) avaient dit : “Les tempêtes sont bien plus souvent dans le bateau qu’à l’extérieur.” Et c’est si vrai!  Également à notre question : Quelle qualité faut-il pour faire le tour du monde en voilier? Ils avaient répondu : “La capacité de rire de soi!” À mon avis, ça aide à dédramatiser en tout cas. J’ajouterais : il faut avoir la capacité de régler les conflits rapidement, car ça peut déraper assez rapidement. Disons qu’il est difficile de prendre nos distances pour réfléchir un peu sur un bateau; notre maison flottante nous apparaît bien petite lorsque nous avons besoin de nous isoler, de prendre du recul et du temps pour nous. Également mesdames, retenir qu’on ne conteste pas une décision du capitaine en navigation et qu’un capitaine heureux, c’est un bateau heureux! Hi! Hi!, mais c’est tellement vrai!

Ce que je trouve le plus difficile? Gérer les conflits familiaux, les problèmes de comportement des enfants à travers la fatigue, l’école, les navigations, l’entretien, les découvertes… l’énergie me manque parfois!

Et les moments de bonheur se vivent à travers la simplicité de notre nouveau mode de vie. Être en contact avec les éléments de la nature nous procure un réel bien être tout comme prendre le temps pour faire plein de trucs. Le temps se vit différemment; si nous faisons le lavage, nous ne faisons que ça; c’est donc plaisant de faire le lavage même à la main! Nous n’avons pas les mêmes préoccupations qu’avant. Nous vivons dans notre cocon familial, ce qui nous amène à vivre des relations bien spéciales et très intenses. Et au-delà de toutes les découvertes que nous faisons, aussi formidables les unes que les autres, le voyage est bien plus intérieur que nous le pensions!

Il faut certainement beaucoup d’amour pour réussir une telle aventure. Beaucoup de respect également, savoir laisser du temps à l’autre, ce qui n’est pas si facile sur un bateau! De plus en plus, Ghis et moi essayons de s’accorder du temps individuellement à tour de rôle. Également, il faut avoir une envie  et une détermination indestructibles de découvrir le monde, de vivre cette aventure-là en famille, au-delà des difficultés. Il faut que le désir soit toujours plus fort que la peur et les difficultés. Oui, il nous arrive de trouver cela difficile, de nous dire : “Mais pourquoi nous nous la faisons si difficile?” Puis, rapidement, nous nous reconnectons avec la chance que nous avons de vivre ainsi.  Nous trouvons que nous faisons une saudine de belle vie. Présentement, nous ne nous verrions pas ailleurs! Jamais je n’échangerais ma place avec quelqu’un d’autre. Et des moments vraiment difficiles, il y en a de moins en moins. Peut-être est-ce dû à notre capacité d’adaptation, notre capacité à gérer ce genre de difficultés qui s’est améliorée. Probablement que nous avons apprivoisé ces inconnus, ces nouveaux stress qui font maintenant partie de notre style de vie. Et de nouveaux inconnus, de nouveaux stress viendront se greffer à mesure des défis que nous aurons à relever.

Intérieurement, nous en avons fait du chemin depuis un an. Chacun apprend à se connaître davantage; nous ressentons de nouvelles émotions, à différents degrés, qui nous forcent continuellement à aller au bout de nous-mêmes et à nous améliorer. Ghis et moi, nous nous sommes rapprochés beaucoup depuis le début de notre voyage. Nous avons du temps de qualité comme jamais nous en avions à la maison. Pour nous, les soirées sont sacrées. Nous avons un réel besoin de nous retrouver juste tous les deux une fois les enfants couchés. Ça fait partie de notre équilibre. Nous avons du plaisir à être ensemble. Notre couple est solide, nous formons une belle équipe, nous avons su prendre et trouver chacun notre place; les difficultés sont donc plus faciles à gérer.

Notre famille sera toujours en adaptation, je pense. Mais chacun se sent de mieux en mieux et à sa place. Nous avons l’impression d’avoir trouvé notre rythme.  En fait, il faut  nous laisser du temps et nous donner la chance de réussir! Nous nous aimons, nous sommes déterminés et passionnés de voyages, ce sont nos plus grandes forces.


ET L’ÉCOLE DANS TOUT ÇA?

Enseigner à mes enfants demeure mon plus gros défi de ce voyage. Je trouve ça plutôt difficile, mais aussi très valorisant et je le vois comme un beau privilège! Ça me demande énorrrrrmément de patience, d’imagination et de discipline. Mais je dirais que mise à part notre séjour à Grenade qui a été assez éprouvant à ce niveau là, en général, ça va de mieux en mieux! Ce dont je suis le plus fière jusqu’à maintenant? Avoir su trouver la discipline nécessaire pour faire l’école presqu’à tous les matins à raison de 2h par jour en moyenne. Ça pris un certain temps avant de trouver notre recette gagnante, mais je sais maintenant que pour l’école des Quatre fantastiques de MYRIAM, c’est la meilleure façon (généralement 5 jours d’école et 2 jours de congé). Tous les prétextes seraient bons pour ne pas faire l’école! Personnellement, je pense que la rigueur est la clé et surtout, ça permet de garder le rythme.

Structurer les apprentissages et la matière me demande aussi du temps. Il m’arrive de profiter d’une connexion Internet pour chercher des exercices complémentaires, des planifications de cours. Je monte également des examens; c’est assez long, mais j’y tiens. Pour le moment, la Commission Scolaire à laquelle les enfants sont rattachés ne me fournis pas de matériels de ce genre, car ce type d’enseignement est considéré comme un enseignement à domicile. Je ferai une nouvelle demande à l’automne.

Présentement avec Guillaume, je travaille sur son autonomie et fournir l’effort à la tâche. Il a tendance à ne pas travailler si je ne suis pas à côté de lui. Il faut dire que tout est sujet à la déconcentration sur un bateau; papa fait de l’entretien ou part en zodiak, quelqu’un arrive, un appel sur la VHF, maman travaille avec Olivier, ou Olivier joue ou écoute un film dans sa cabine… Disons que ce n’est pas pendant l’école qu’il est possible ou facile de faire le ti-lavage; le professeur doit être 100% à l’école elle aussi. Mais pour avoir jasé avec d’autres équipages, nous vivons tous les mêmes difficultés, à ce niveau là aussi! Et puis, je dois penser au moment où Olivier fera l’école régulièrement; Guillaume devra travailler seul lorsque je serai avec Olivier qui demandera beaucoup avec l’apprentissage de la lecture et l’écriture.

Et puis, savoir être à l’écoute de ses élèves, de leurs besoins en demeurant le maître! J’apprends en même temps qu’eux! Je dois souvent me réajuster, m’adapter et adapter mon contenu pour que la motivation soit au centre de l’apprentissage. Par exemple, il y a quelques semaines, Guillaume était moins assidu en classe; nous nous sommes dits : peut-être est-il fatigué, après tout nous n’avons pas vraiment fait relâche d’école depuis St-Martin ou a-t-il senti les vacances d’été… Peu importe, nous avons tenté plusieurs méthodes afin de lui permettre et nous permettre  un peu de repos. Mais l’école était toujours de trop même s’il avait eu 4 jours de congé! Nous avons donc convenu de reprendre notre horaire régulier et nous offrir une belle semaine de vacances prochainement, lorsque le décor sera propice. Et nous en ferons de même à quelques occasions dans les prochains mois.

Et si l’école se passe bien, ça commence vraiment bien une journée, mais si c’est un matin plus difficile, toute la famille s’en ressent!

Disons que mise à part ces dernières semaines, je peux dire  que mon élève de 3e année travaille bien généralement. Mon petit du préscolaire apprend tranquillement à s’assoir avec nous une petite demie-heure, à suivre les consignes dans un livre, à attendre son tour, etc. C’est certain que les 2 à temps plein, ouf! Ça risque d’être un autre beau défi! Mais le professeur aura pris de l’expérience…


ET L’ENNUI?

S’il y a une chose à laquelle je ne savais pas à quoi m’attendre, c’est l’ennui des membres de ma famille, belle-famille et amis. J’avais aucune idée du Comment j’allais vivre cela. Bon, je savais que je n’étais pas une grande ennuyeuse étant plutôt solitaire. Le voyage le plus long que j’avais fait loin des miens était tout au plus 2 mois. Il y a tellement à voir en voyage que 2 mois, ça se passait bien. Et puis, je serai avec mon chum et mes enfants.

Et bien, 2 mois ce n’est pas 6 mois ni un an. Ce n’est pas Noël, la fête de mes filleuls, la fête des mères et des pères… C’est certain que je m’ennuie; j’irais souvent me chercher un câlin! Mais je suis convaincue que l’amour est bien plus fort que la distance qui nous sépare. Et chaque jour, je transporte les miens avec moi dans mes yeux et dans mon cœur.

Guillaume s’ennui aussi beaucoup de ses amis d’école. Il le manifeste souvent. Même s’il a pu se lier d’amitié avec plusieurs enfants durant la 1re année du voyage, il trouve très difficile de les quitter (comme nous d’ailleurs); il a l’impression de perdre toujours ses amis. Nous lui expliquons que des amis de voyage c’est pour la vie!  Nous, comme adultes et parents, nous savons qu’un jour, il nous remerciera peut-être d’avoir choisi cette vie-là pour lui. Du moins, nous pensons qu’il en sera imprégné pour toute sa vie et qu’il réalisera la chance qu’il a eue. En attendant, c’est à nous de trouver les mots pour le réconforter; nous devons mettre nos lunettes d’enfants pour le comprendre. Étant souvent seuls,  nos deux ti-mousses s’amusent de mieux en mieux ensemble; c’est bien beau à voir!

Les enfants tout comme nous, s’attachent rapidement aux gens que nous rencontrons; ils deviennent notre 2e famille. La richesse de ce voyage se trouve dans les découvertes que nous faisons certes; également tellement dans les relations que nous tissons en cours de route. Rapidement, les barrières tombent et font place à l’amitié, l’entraide, le partage. Nous vivons très intensément les moments entre amis.

Et puis, arrivent les Aurevoirs qui sont toujours bien difficiles, mais font parties de notre aventure. La richesse qui résulte de ces amitiés-là nous suivra tout au long de notre voyage. Un moment partagé, un petit truc, un apprentissage, une recette, une parole, peu importe le sens que cela prendra, il en restera toujours quelque chose de précieux!

À ceux et celles à qui j’ai eu l’occasion de le dire et à tout ceux et celles à qui je ne l’ai pas encore dit :
MERCI D’AVOIR COMPRIS QUE NOS AILES ÉTAIENT TROP GRANDES POUR RESTER!
(Cette phrase n’est pas de moi, mais elle nous colle tellement à la peau!)


Bilan du Capitaine

Dans les premiers mois du voyage, je ressentais l’angoisse du début face à l’inconnu et  à l’approche des nouveaux mouillages;  peu à peu, au fils des mois, cette angoisse s’est dissipée pour faire place au plaisir.

Notre désir de réussir, notre curiosité et le désir de découvrir nous poussent en avant et nous incitent à poursuivre.

J’ai gagné en confiance à naviguer jour après jour, au fil des sorties en mer; j’ai également appris à connaître les comportements de Myriam et à en apprécier toutes ses qualités. Nous réalisons que nous sommes constamment en apprentissage et c’est très valorisant.

L’adaptation à la vie de famille dans un si petit espace, la promiscuité qui peut, pour certains, être un désavantage, qui pour moi est une possibilité incroyable d’être proche de mes enfants et de ma conjointe, qui sont mes amis. Je tisse des liens familiaux solides et intègres.

Au-delà et bien plus beaux que les paysages à découvrir, il y a les gens que nous rencontrons. L’amitié prend une très grande place. La vitesse à laquelle les liens sont tissés, les paradigmes sont vite tombés pour faire place au partage et à la qualité des échanges.

Le monde est beau, mais les gens qui l’habitent sont extraordinaires!

Nous nous rendons compte de la chance que nous avons de vivre cette expérience-là avec nos deux boys.

MERCI LA VIE!

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